Figurez-vous que je suis bien embêtée. Hier, donc, j'ai dîné avec
Giovanna Mezzogiorno et Christina Comencini, respectivement actrice et
réalisatrice du très beau film "La Bête dans le coeur".
Pourquoi je suis bien embêtée ? Parce que j'avais prévu de vous
faire un "minute par minute", un compte-rendu un peu cocasse de cette
rencontre dans lequel je montrerais à quel point franchement le show
bizz ça craint et comment moi j'ai un recul pas possible à rapport à
tout ça. Le souci c'est que ça m'est difficile aujourd'hui.
Oh, au départ, ça commençait plutôt bien, dans le genre cocasse. Je
suis arrivée, pétrie de timidité, incapable de me joindre à l'équipe du
film qui buvait un coup en attendant la projection. Je me suis à moitié
planquée à quelques mètres, genre groupie qui écoute les conversations,
et bu une bière quasi cul-sec histoire de me donner une contenance.
J'ai aussi englouti au bas mots 156 cacahuètes pour calmer ma nervosité.
A ce moment là j'ai compris que je ne serais jamais Daphné Roulier.
Non, faut pas rêver, Daphné et les cacahuètes à mon avis, elles ne sont
pas super copines. Alors qu'hier, franchement, je les bénissais, moi,
les cahuètes. Un peu comme le toblerone en salle d'embarquement. A
croire que vraiment ils y collent du lexomil.
Après, forcément, j'ai quand même eu la nausée. Et j'ai pensé m'en
aller. Mais c'est à ce moment là qu'on est venu nous chercher pour
assister au début du film avant le dîner dans la salle à côté. J'ai
alors profité du mouvement pour me rapprocher de l'équipe. Inutile de
vous dire que la bière avalée cul-sec à jeun m'avait donné une certaine
assurance. Passées les cinq minutes de honte quand l'organisateur s'est
rendu compte que la godiche assise à quelques mètres qui les écoutait
sans aucune discrétion depuis une demi-heure était en réalité une des
blogueuses invitées, j'ai commencé à me sentir un peu mieux. D'autant
qu'on m'a installée en face de Giovanna et à la gauche de Christina. Et
que partant de là, il fallait bien commencer à parler.
Bon, j'ai un peu cafouillé au départ, en demandant à Giovanna si
"Sabina" c'était elle et dans quelle mesure le film était une fiction.
Juste après je me suis rappelée que ça parlait d'une jeune fille violée par son père dans son enfance.
Ben oui mais en général, Daphné, elle la pose cette question, non ?
Mais voilà, et c'est là que j'en reviens au fait que je suis un peu
embêtée, Giovanna et Christina, fille de l'immense Comencini, sont deux
femmes adorables. Et elles ont vite compris qu'en effet, je n'étais pas
tout à fait Daphné. Et ça n'a pas eu l'air de les déranger.
Pourtant, parait qu'elles sont vraiment des stars en Italie. Même un
peu aux Etats-Unis. La preuve, Giovanna vient de terminer le tournage
du dernier film de Mike Newel, réalisateur de "4 mariages et un
enterrement". Et bien au bout de quelques minutes, on était carrément à
l'aise.
Giovanna, j'aurais bien voulu lui trouver des petits défauts, même
mineurs. Mais la vérité, c'est qu'elle est juste magnifique. Elle fait
des trucs avec ses paupières, comme si elles étaient un peu lourdes,
que jamais de ma vie j'y arriverai. Elle parle français avec un accent
bien plus charmant que celui de la Belluci. Et elle dit des choses
simples et touchantes. Elle dit par exemple que bien sûr que non, elle
n'a pas vécu le drame de l'inceste, mais qu'elle pense que chacun
d'entre nous a sa propre "bête" dans le coeur, son propre tiroir secret
qu'il devra un jour ouvrir et affronter pour enfin vivre. Elle dit que
c'est ça pour elle devenir une adulte et qu'un tiroir secret, bien sûr,
elle en a un. A ce moment là, ses yeux sont devenus très brillants et
du coup moi j'ai eu presque envie de pleurer.
Christina, elle, parle du miroir qui est souvent notre pire ennemi,
elle dit que le désir peut revêtir des formes différentes et parfois
être un instrument de pouvoir. Elle dit que la normalité et
l'a-normalité ne sont finalement pas bien éloignées. Et elle trouve
drôlement chouette l'idée d'un blog qui parle de notre rapport à notre
image, qu'on a nous les femmes. A ce moment là, je l'avoue, j'étais
fière comme un pou.
Bon, bref, voilà, on est copines maintenant.
Ok, après cinq verres de vin je suis copine avec la terre entière.
En tout cas, les filles, je n'ai pas failli à ma mission. Non parce
que tout ça, c'est bien gentil, mais j'avais UNE question à poser. Et
j'ai osé.
Merci le vin.
Quelle question ? Mais enfin, c'est évident non ?
- "Et, heu, Giovanna, je me demandais... il est comment Georges ?"
Vous voulez être dégoutées ? Georges, il est canon et super sympa.
Voilà. Même en vrai. Giovanna l'a rencontré à la mostra de Venise et
aux Oscars et à chaque fois il a eu un petit mot gentil. Il lui a même
glissé qu'il l'invitait volontier dans sa maison du lac de Côme.
Le pire ? Le pire c'est que je ne suis même pas arrivée à la détester après ça.
Bon, j'ai été longue. Juste j'ajoute que ce film est vraiment
poignant. Il est de ces films un peu lents, qui vous laissent une
impression de malaise. Mais en même temps, il parle de la résilience et
de la capacité des hommes et des femmes blessés à avancer malgré tout,
avec dignité.
EDIT: Un grand merci à Pierre de paris14.info à l'origine de cette rencontre.