"Vous vous exposez trop, faites attention".
C'est le docteur Zermati qui m'a mise en garde lundi. Attention, aucun jugement de valeur dans cet avertissement, ni critique de mes billets sur la thérapie. Non, ce qu'il a voulu me faire comprendre, c'est que donner ici des détails sur le nombre de kilos perdus n'était pas forcément bon pour moi.
Pourquoi ? Parce que quelque part, je me mets toute seule la pression. Celle de ne pas "décevoir", de devoir tenir absolument, de ne pas faillir, pour ne pas avoir honte ensuite de devoir avouer ici que oui, j'ai regrossi.
"J'ai vu souvent des gens, un peu ou beaucoup célèbres, censés maigrir pour une marque quelconque de produits diététiques et dont l'amaigrissement était devenu un argument de vente. Ils ont tous fini par regrossir", a-til ajouté.
Sur le coup, j'avoue, j'ai été ébranlée. Après tout, je fais ce que je veux, et puis sur ce blog j'ai pris l'habitude de tout raconter, et puis je me suis aussi montrée plus grosse, et puis l'idée n'est pas de fanfaronner, simplement de témoigner. Non, je n'en fais pas un argument de vente ou de communication, n'importe quoi l'autre.
Sauf que... hum.
Evidemment, je fanfaronne.
Comme un enfant qui arbore sa deuxième étoile durement gagnée, j'ai cédé à la tentation, moi, d'épingler sur ces pages la graisse perdue. A grand renfort de photos flatteuses et d'annonces victorieuses, moins un, moins trois, moins dix, moins... stooooop.
Et oui, si j'y réfléchis bien, ça me met la pression. Parce que reprendre du poids serait, à tort sûrement, un échec. Assurément. Un échec d'autant plus cuisant qu'il serait public et constaté par vous tous
"Je ne vous le souhaite pas du tout, je touche même du bois, mais il est tout à fait possible qu'un jour vous soyez amenée à regrossir. Même en admettant que vous respectiez toute votre vie vos sensations alimentaires, il y a tout un tas de facteurs extérieurs qui peuvent intervenir. Vous pourriez être contrainte de prendre des médicaments (anti-dépresseurs, anti-cancéreux ou autres agissant sur le métabolisme), subir les effets hormonaux de la ménopause ou que sais-je. Ce jour là, votre valeur en serait-elle moindre ?".
Wow, là aussi, inutile de dire que j'ai été un peu bousculée. Attends, je suis la parfaite bonne élève zermatienne et voilà ce que je me prends ? Non mais où qu'ils sont les bons points et les images, hein ?
Plus sérieusement, je crois qu'il fallait probablement en passer par là pour calmer mon euphorie de dinde hystérique d'entrer à nouveau dans un 42.
Oui, c'est bien, oui, c'est normal d'être heureuse de s'apprécier à nouveau. Mais non, sur-valoriser ce changement de silhouette n'est pas bon à long terme. Parce que c'est se mettre dans la tête que reprendre deux kilos serait dramatique. Et il y a fort à parier alors que ce ne serait pas deux kilos qui viendraient s'ajouter mais dix de plus, sous l'effet du stress et de l'angoisse générés.
Toutes ces remarques, le docteur les a formulées après avoir lu mon petit bréviaire de ce que j'éprouverais si je regrossissais. Il en est ressorti que très clairement, pour moi, obésité et estime de soi ne font pas très bon ménage (en même temps aucun scoop à l'horizon, hein).
En d'autres termes, j'ai une légère tendance à me considérer comme une personne de plus grande valeur lorsque je mincis.
"Ce qui compte, ce n'est pas le regard que portent les autres sur vous, celui-ci, vous n'y pouvez pas grand chose. Ce qui compte, c'est que vous, vous soyez convaincue que vous n'avez pas été grosse durant toutes ces années par manque de volonté, par faiblesse ou absence de ténacité. Parce que oui, je vous l'assure, cela n'a RIEN à voir avec la volonté. Il se trouve, même, que trop de volonté dans ces cas là ne fait que détraquer un peu plus la machine.
Pour faire une comparaison qui peut vous parler, un gardien de but peut arrêter un pénalty. Si vingt personnes tirent en même temps vingt ballons dans sa cage, il ne sera pas en mesure de tous les attraper. C'est ce qui se passe avec les envies de manger pour des gens qui comme vous souffrent d'un dérèglement du comportement alimentaire. Une envie de manger, vous pouvez, à force de volonté, la stopper. Deux, trois, peut-être. Mais si votre cerveau vous en envoie 50 dans l'heure, c'est impossible. Que vous soyez ou non quelqu'un d'obstiné".
Il m'a également expliqué tout le processus qui conduit quelqu'un à prendre du poids au fil des ans. C'est un peu compliqué et fastidieux à expliquer, mais si ça vous intéresse, je tenterai de vous le formuler avec mes mots. Mais en gros, ce que j'en ai retenu, c'est que oui, mère nature la truie. Ou pas, d'ailleurs, parce que d'après le docteur Z., je ferais bien d'arrêter de l'engueuler, mother nature. Parce que j'ai sacrément de la chance d'avoir perdu autant en si peu de temps, c'est la preuve que mon corps n'a pas été totalement déréglé par tous les régimes que je lui ai fait subir.
Ce que j'ai retenu aussi, c'est qu'à mon corps défendant, je porte un regard aussi malveillant sur moi (et donc les personnes en surpoids) que les garçons qui m'emmerdaient à l'école quand j'étais enfant. Et que tant que je n'aurai pas cessé de mépriser cette adolescente ingrate que j'étais, je n'aurai pas beaucoup avancé. 10, 15 ou vingt kilos en moins n'y changeront rien.
"Quand vous croiserez dans la rue, le métro ou ailleurs des personnes en surpoids, regardez-les comme elle doivent l'être. Comme des gens qui ne sont pas à blâmer pour ces kilos, dont ils ne sont pas responsables. Ce sera un bon début".
Je suis partie sur ces mots et depuis lundi tout ceci tourne dans ma tête. Je n'ai plus trop envie de parader, j'ai compris, je pense, que la partie était loin, loin d'être gagnée. Et j'essaie de me convaincre qu'en effet, voir à nouveau l'aiguille de la balance partir dans le mauvais sens ne serait en rien la preuve que je ne vaux pas tripette...
Edit: A compter d'aujourd'hui, donc, je continuerai à parler de tout ça, mais sans donner de détails chiffrés sur mes "performances", qui ne doivent justement pas être considérées comme telle.
Edit2: Il me semble que c'est évident mais je préfère le préciser, les propos que je rapporte sont exacts dans leur sens, mais je ne prends pas des notes et j'écris donc ça à ma sauce. Le docteur Z. a la grande gentillesse de me laisser raconter tout ceci sans jamais juger ou émettre une remarque alors que je pense qu'il lit, pas tout peut-être mais tout de même. Mais ces écrits sont avant tout ma version des choses, qui n'engage que moi.
Edit3: Je veux aussi ajouter que je ne raconte pas tout des séances et que chaque patient vit les choses à sa façon. Chaque patient est également particulier et ce qui est valable pour moi ne l'est pas forcément pour un autre...
Edit4: Non, rien.
Edit5: Ah, si, la photo c'est celle d'un shooting qui date de trois ans maintenant pour une marque de shampoing qui voulais montrer qu'elle aimait toutes les femmes, à la Dove, quoi. Pour ceux que ça intéresse, j'en avais fait des billets, là et là.