Dimanche, à la fin de notre promenade dans notre bien aimé parc Montsouris nous avons croisé un couple qui tentait de faire face à la colère bruyante de leur fille (deux ans et des poussières à vue de nez, imaginez). Je passe sur ce sentiment de jouissance inavouable qu'éprouve tout parent lorsque l'enfant d'autrui se roule par terre (que celui qui ne s'est jamais félicité que pour une fois ce ne soit pas le sien me jette la première pierre). Je passe donc sur cette pensée moyennement chrétienne mais ô combien délectable pour m'attarder deux secondes sur ces quelques mots prononcés par le père alors que nous les dépassions et qui définissent à eux seuls je crois tout ce que "parentalité" veut dire.
Pendant que sa femme tentait de convaincre sa fille de remonter sur son vélo plutôt que de racler le bitume avec ses dents tout en résistant à la tentation de a) partir en courant et prendre le premier vol pour Sidney b) s'exercer au lancer de nain sur la voie ferrée toute proche, le père fouillait avec l'énergie du désespoir dans la poussette. Au moment même où nous les doublions, nous avons alors saisi au vol cette supplique de l'homme à terre: "Tu sais où est le D-O-U D-O-U ?" (pour saisir la dimension comique du récit et au cas où ce ne soit pas évident, le mot en question était épelé histoire que l'enfant n'entende pas le "D-word" et redouble de hurlements).
"A la maison", a répondu la mère sans desserer les dents.
"Merde, putain", s'est contenté de répondre le père. Après, je ne serais pas prête à le jurer parce que malgré notre curiosité pareille à celle du quidam qui freine sur l'autoroute pour mater l'accident sur la voie d'en face, nous étions déjà un peu loin, mais j'ai cru entendre un sanglot. Et ça ne venait pas de la furie pleine de morve par terre.
Voilà, avons nous pensé le Churros et moi, tout auréolés de notre sagesse multipare et gonflés d'amour pour notre propre petite si docile en ce bel après-midi: rien ne sert de potasser des millions de bouquins pour devenir parent. La seule compétence nécessaire est de savoir quand et comment épeler certains mots stratégiques tels que "bonbon", "doudou", "docteur", "médicament", "télé", "manège" ou pour notre part, "M-A-R-C-O", à savoir le prénom du baby-sitter dont on ne tient pas toujours à ce que pupuce soit avertie de sa venue parce que tout emplis de notre courage, nous l'avons couchée AVANT qu'il arrive*.
Savoir épeler, donc, mais SURTOUT, garder à l'esprit qu'il vaut toujours mieux oublier sa carte bleue, son iphone ou son passeport plutôt que ce putain de D-O-U-D-O-U.
Je vous rassure, notre condescendance a vite été punie. Cinq minutes après en effet, Rose a décidé de faire l'étoile de mer sur les rails du tramway tant qu'on ne lui aurait pas fait refaire un tour de manège. C'est là qu'on a réalisé, nous les surdoués de la pédagogie, que nous avions oublié la T-E-T-I-N-E. Quand ils nous ont à leur tour dépassés, les parents de la mini-godzilla ont très clairement ricané.
La mesquinerie des gens m'étonnera toujours.
* Oui, ça c'est mal. Mais la fois où nous avons dérogé à la règle, elle a tellement pleuré quand on est partis qu'elle s'est vomi dessus. Ainsi que sur le baby-sitter. Et le canapé. Elle a ensuite réitéré dans son lit. Puis le nôtre. Pour se venger, le baby-sitter nous a appelé vers 21h45 pour nous annoncer que c'était Bagdad dans notre appart. Forcément, le repas a eu du mal à passer. Soirée de merde. D'où la dissimulation désormais.
Edit: J'avoue, la tétine en question est chelou.