Hier, rendez-vous avec un employeur potentiel, je pars à la bourre après avoir checké ma tenue, mon maquillage un poil filé, mon téléphone, mes clés, mon cahier, mon stylo, les papiers pour le rencart suivant et... merde mes clés, ok, mes clés c'est bon. Un foulard, ouais, celui-ci, trop beau, c'est cool, mon portable, j'ai, l'adresse du rendez-vous, dans mon portable, c'est bon, merde, mes clopes, briquet, demain j'arrête, allez, c'est parti, j'y vais, j'ai tout, mes clés, mes lunettes de soleil, tiens je les mets de suite, allez, hop hop hop, go.
Je file, il fait beau, j'adore les dix minutes de trajet avant d'entrer dans le métro, je longe le square, le soleil sur ma peau, tiens j'en allume une - demain, promis -, et si j'écoutais un bon morceau en même temps, raaah, c'est le bonheur, ma vie est parfaite, cet instant est l'essence même du bien-être, et puis je suis... pas mal. Pas canon, ok, pas super jeune, mais ce petit blouson en gomme, pétard, je ne voudrais pas me la ramener mais franchement... pas maaaaal. Avec ce pantalon kaki qui tombe pile poil, ces nouvelles shoes, j'ai la wine. Si je voulais, je ferais un blog mode. D'ailleurs demain j'achète un pied pour mon appareil et je me shoote myself. Dès que mon reflex rentre de l'hosto. Finis les complexes à la con, il est temps de grandir et le fait est que je suis... pas mal. Je vais te déchirer ce rendez-vous, putain. C'est ça, j'ai la grosse confiance. Tout va très bien se p...
Plof.
Gné ?
Nan.
Naaaan, ça n'est pas ce que je crois que c'est.
Limite ça m'a fait mal quand c'est tombé sur ma tête. Un bruit sourd de marron qui chute. Donc c'est un marron.
CQFD.
Ok, ce n'est pas la saison mais c'est un orphelin, qui n'est pas tombé en décembre, un con de marron à la bourre. D'ailleurs pour le prouver, je passe ma main de bombasse dans ma putain de crinière de lionne et je...
Et j'en ai PARTOUT.
De la chiasse de pigeon PARTOUT. Dans mes cheveux, dans la capuche de cette saloperie de blouson qu'on a pas idée d'avoir une capuche qui fait RESERVOIR à fiante, dans mon cou, putain dans mon cou, sur ma... Non pitié pas elle. Si. Tout mais pas ça. Le reste je peux supporter. Mais pas ÇA.
Pas ELLE.
Pas ma FRANGE.
Sur ma FRANGE. J'ai de la merde de pigeon plein MA FRANGE.
Et je n'ai pas de kleenex. Pas de gel hydroalcoolique. Même pas un tampax.
J'ai...
J'ai juste un foulard.
Ok, on ne panique pas, on rentre à la maison, on se lave les cheveux, on les sèche et... on arrive avec une heure de retard à ce rencart calé depuis un mois.
On reprend. J'essuie ce que je peux avec ce foulard - une chance que je n'ai pas pris un bandana, ce connard de piaf n'avait pas chié depuis deux ans au bas mot -, je choppe un élastique de Rose miraculeusement échoué dans mon sac et je fais une sorte de chignon merdeux en priant pour que ça ne se voit pas.
Voilà, je me suis donc pointée à mon rendez-vous avec une gerbe pas possible et l'impression qu'on pouvait me suivre à la trace. Inutile de vous dire que j'ai été d'une efficacité à tout épreuve. D'autant que pour couronner le tout, j'avais eu beau checker douze fois mes affaires, j'avais juste un peu oublié de ranger mes lunettes de vue dans mon sac.
J'ai donc passé un rendez-vous entier à faire semblant d'arriver à lire les docs que le gars me mettait sous le nez. Ce qui était à l'instant présent le cadet de mes soucis, ma seule obssession étant que le caca de pigeon soit bien planqué dans mon chignon.
Dieu m'est témoin que parmi les dix trucs que je veux faire avant de mourir, "tuer un pigeon" est en tête de liste.
Juste avant "récupérer ma confiance perdue quelque part sur un trottoir de l'Avenue d'Italie".
Edit: en photo Iphone, feu le foulard et un gilet Monop' de mémère que j'adore, en laine très très fine et tout loose. Ça tombe bien. Je veux dire, au niveau de la loose. Ça tombe bien.