Mon mémoire de Sciences-Po portait sur Mankievicz. Un cinéaste fabuleux des années 50 et 60. Qu'on ne s'y trompe pas, si j'avais choisi de suivre le séminaire "Cinéma" pour ce travail de fin d'études c'était en grande partie parce qu'il rassemblait tous les branleurs de ma promo et que le prof était réputé pour te foutre une paix royale, voire te filer un 17, quel que soit le boulot fourni.
Mais j'étais cinéphile, souvenez-vous. Oui, surtout pour essayer de conclure avec le mec qui me faisait tourner en bourrique depuis des années et qui, je ne le sus que bien plus tard, ne risquait pas de se pencher un jour sur autre chose que mon esprit affuté. Mais quand même, j'adorais le cinéma. Et Mankievicz en particulier.
Histoire de raccrocher le wagon de mon mémoire à la nature même de mes études, à savoir la science pipo, je l'avais anglé sur la manipulation politique dans l'oeuvre du cinéaste. En me concentrant tout particulièrement sur deux films: Jules Cesar et Cléopatre.
L'occasion pour moi de tomber en amour pour Liz Taylor, impeccable et tragique en reine d'Egypte, dans Cléopatre, film qui failli ne jamais aboutir et qui ruina son producteur. Une oeuvre sous-estimée en son temps dans laquelle Liz Taylor crève l'écran et incarne son personnage, comme personne n'aurait pu le faire. Les excès de la vie commençaient à se lire sur le visage mais la rendaient, paradoxalement, encore plus magnifique. Et puis il y avait Richard Burton, son amant terrible. Impossible de regarder le film sans voir la tension entre eux et sans penser à leur histoire à eux, si... hollywoodienne.
Je me suis également passé et repassé "Soudain l'été dernier", du même Mankievicz, avec Liz et Montgomery, chef d'oeuvre que je vous conseille à tous également. Cela parle du deuil, de l'oubli et de la mémoire et de l'amour qui fait mal. C'est je crois le film dans lequel sa beauté explose littéralement. Quel homme n'a pas fantasmé sur ce maillot de bain blanc et sa pose langoureuse sur la plage ?
Voilà, Liz Taylor est morte hier et avec elle, c'est un peu cet été là justement, celui de mes 20 ans et quelques qui s'est envolé. Ces mois à taper sur un antique PC un mémoire dont je me doutais qu'il ne m'ouvrirait probablement aucune porte d'établissement prestigieux et qui venait entériner le fait que bien qu'ayant adoré ces trois années à Sciences Po, j'avais peut-être choisi la mauvaise voie.
Cet été là, j'ai fait l'amour pour la première fois. Ce n'était ni bien ni moche, c'était avec un ami, dans une chambre minuscule par une chaleur caniculaire. Après, je me souviens, je m'étais réfugiée dans le lit de ma copine Béa qui dormait à côté, soulagée d'être enfin entrée dans le club de celles qui l'avaient fait, mais déçue, un peu, qu'il y ait eu si peu d'amour, justement.
Voilà, Liz s'est éteinte, et je repense à ma première fois. C'est là le pouvoir des icônes, je crois, d'être si loin de nous, et pourtant tellement proches.
Edit: J'ai eu 18. A mon mémoire.