En 81, Giscard prédisait l'arrivée des chars russes à Paris en cas de victoire de François Mitterrand. Aujourd'hui, Bernard Accoyer compare une éventuelle alternance à une entrée en guerre de la France. Au delà du ridicule achevé de ces déclarations outrancières, j'y vois personnellement un déni de démocratie et un mépris indécent pour les pays réellement en guerre. Que monsieur Accoyer descende de son perchoir et aille cinq minutes voir en Syrie ce que signifie "être en guerre". Que monsieur Baroin parte en Corée du Nord pour avoir une idée de ce que peut être la prise du pouvoir "par effraction". Je ne sais pas ce que de telles sorties peuvent avoir comme effet sur ceux qui n'ont pas encore décidé pour qui ils voteront en avril prochain.
Personnellement, cela ne fait que renforcer mon aversion pour ces gens qui depuis cinq ans (au bas mot) semblent convaincus d'être devenus propriétaires de leur fonction. Et dont le bilan est loin, très loin d'être indiscutable. Hurler au scandale parce que François Hollande envisage de revoir le calcul du quotient familial quand un des premiers gestes de Nicolas Sarkozy fut d'offrir des milliards aux plus riches me parait tout de même extrêmement osé. Jouer les offensés pour un "sale mec" pas même prononcé de la façon dont le "journaliste" du Parisien l'a présenté alors que notre président fut filmé en train de cracher un "casse toi pauvre con" à un quidam dont le crime avait été de ne pas lui serrer la main, est aussi très savoureux.
Tout ceci n'est évidemment que vent et poudre aux yeux et vient occulter les vrais sujets. Ceci étant dit, je crains que les "vrais sujets", tout le monde s'en moque ou n'y comprenne que pouet. Moi la première. Hier, le churros est rentré excité comme une puce après "une interview passionnante d'un spécialiste des dettes souveraines". J'ai été saisie d'une angoisse monstrueuse à la perspective qu'il ne résiste pas à l'envie de me faire un compte-rendu. Par contre, j'avais très envie qu'on discute un peu de cette sortie d'Accoyer.
Mais peut-être que si on m'expliquait vraiment bien ces histoires de dette souveraine, je parviendrais à m'y intéresser. Et peut-être aussi que si la campagne ne s'annonçait pas aussi putassière, les sondages cesseraient d'afficher des scores de plus en plus effrayants pour Marine Le Pen. Peut-être. En attendant, ainsi que je vous le disais hier, je soutiens la démarche de Cantona. Bien sûr, le gars a beau jeu, avec tous ses millions. Mais quelque chose me dit qu'il est assez sincère. Surtout, peut-être parce que j'ai été confrontée ces derniers jours à la galère de la recherche d'appartements (merci mille fois à toutes celles qui m'ont écrit et particulièrement à Clémence grace à qui la question semble être réglée), je me sens prête à me battre pour cette question.
Non parce que mon frère n'est pas à plaindre. Il est médecin, embauché par la ville de Paris. Il va toucher un salaire plus que correct. Mérité il me semble avec ses dix années d'étude, pas indécent mais permettant d'assurer un loyer conséquent. Sauf qu'à Paris, avec 800 euros par mois, on a au mieux un 25 m carrés. Au mieux. Et que les propriétaires ne se contentent pas d'un contrat, d'un titre qui il y a une trentaine d'années vous rangeait dans la catégorie des notables. Non, il faut, à 30 ans, fournir en plus de tout cela, les fiches de paie de vos parents ou leurs attestations de retraite. Et après, attendre qu'éventuellement on vous rappelle.
Je ne découvre rien, évidemment. J'ai assez souvent loué des appartements la peur au ventre en raison de revenus inférieurs à trois fois le loyer et des parents certes présents mais pas crésus, pour connaitre les rouages du système. Mais en quelques années, à Paris tout au moins, les choses se sont dégradées. Et que ce soit mon frère ou moi même, j'ai bien conscience que nous arrivons plutôt en haut de la pile en terme d'attractivité. Mais que peut espérer un jeune sans caution, commençant un boulot modeste ? Que peut-il attendre s'il a en plus le tort de ne pas avoir un nom très gaulois ? A quel âge peut-on être considéré comme responsable et solvable ? Comment ne pas se retrouver avec des impayés quand on est propriétaire et qu'on a l'impudence de louer, comme nous l'avons constaté avec mon frère il y a deux jours, un appartement de 18 m carrés sur les maréchaux avec en guise de salle de bain une cabine de douche collée à l'évier de la "cuisine" (elle même à trois centimètres du lit) pour 750 euros par mois ? SEPT CENT CINQUANTE EUROS. Pour un cagibi au sixième sans ascenseur.
Je ne suis pas en train de justifier les squattages d'appartement. Mais je crois qu'à un moment, il faut tout de même revenir sur terre. Parce que tout ceci n'a plus aucun sens. Pas plus que n'en ont les spéculations boursières, les exigences des actionnaires vis à vis des entreprises qu'ils possèdent et dont ils se fichent tant qu'elles margent à deux chiffres. Il y a un moment où le système va réellement imploser, parce que je crois réellement qu'il arrivera un moment où les petites gens, celles à qui l'on demande d'accepter tout ceci sans broncher, diront non. Cela ne se traduira peut-être pas par une révolution ou des passages à l'acte dramatiques. Je crains que ce ne soit plus insidieux. Que les dépressions s'enchainent, que la grève du zèle se généralise, que l'on finisse par se désintéresser de la chose publique, au point d'un délitement total. Je ne sais pas si nos dirigeants ont conscience de cette lassitude qui se répand comme une sournoise maladie. Mais le désenchantement est là. François Hollande a parlé de rêve, nombreux sont ceux qui ont souri avec condescendance. Ce mot là me parle et je crois qu'il peut même faire des miracles économiquement parlant. Mais je ne vois pas pour l'instant comment ce candidat compte s'y prendre pour nous faire à nouveau rêver. Je ne demande qu'à être convaincue, mais le temps presse.
Demain je vous montrerai mon bracelet et on parlera chiffons.
Bonne journée. Et un très bon anniversaire à ma Zaz.
Edit : Sorry pour Mylène dans la tête.
Edit 2: Quand je dis que je soutiens la démarche de Cantona, ça signifie surtout que je suis pour que ce débat soit mis sur la table. Je voterai pour Hollande, parce que je ne veux pas d'un second tour sans la gauche. Et j'espère qu'au fil des semaines ce vote se fera plus positif...