J'ai donc passé une semaine au Pouliguen, petit village en bord de mer à quelques encablures de La Baule. Je ne connaissais que très peu la région et j'ai été réellement émerveillée par ces paysages escarpés, ce sentier des douaniers qui court sur des kilomètres, longeant des petites criques peuplées à marée basse d'étoiles de mer, de bigorneaux et autres huitres. La Baule ne m'a pas séduite plus que ça - la plage, réputée pour son immensité, est en effet magnifique mais la ville en elle même n'est pas très chaleureuse et le front de mer évoque ce qui a pu se faire de pire en matière d'immobilier à une certaine époque
En revanche, le petit port du Croisic est absolument charmant, d'autant plus qu'il compte une crèperie au mètre carré. Que dire de la cité médiévale de Guérande et de ses tentations qui s'égrènent au fil des ruelles: chocolateries, échopes spécialisées dans le kouign-aman ou les cornets de caramel au beurre salé et bien sûr crêperies en veux-tu en voilà...
J'ai adoré comme à chaque fois m'inventer une vie là bas, m'imaginer m'installer au Pouliguen et devenir l'une des meilleures clientes du poissonnier Michel, monter ma propre fabrique de niniches à la cerise ou incarner pour les gens du cru la mystérieuse écrivaine à succès ayant fui la capitale et ses tourments. Je sais bien que cela restera du domaine du fantasme, comme celui de ma résidence à l'île Maurice, mon châlet dans le Briançonnais, ma masure en Corse ou ma ferme en Afrique. Mais après tout, peu importe, seuls les rêves comptent, si ça se trouve.
Et puis il y a eu tout ce qui est si difficile à retranscrire sans en perdre l'essence: les chants des enfants dans le minibus loué pour l'occasion, les clopes face à la mer emmitouflés dans nos gilets, un verre de Bourgogne à la main. Les étreintes salées le 31 à minuit. Les équipées à deux, trois, neuf ou seize, les appartés dans la cuisine, les gâteaux de l'une, le gratin de l'autre, les poissons "fanés" de Rose, la mayo qui ne prend pas, le bourguignon jamais trop cuit, les bulots qui parfois crissent sous la dent, les treize huitres à la douzaine, le chou feur qui sent le prout, le cri de la langouste, les parties de belote, les "tu te souviens", les "ça fait déjà 20 ans", les batailles d'écume, les "ça suffit la Wii", l'heure du calva, le marathon du petit déjeuner, les couchers qui n'en finissent pas, les lits partagés à trois parce que parfois dans ces grandes maisons, il fait un peu peur. Les uns qui partent en milieu de semaine travail oblige, les autres qui sur un coup de tête décident de rester trois jours de plus. Les footing des plus courageux, les promesses de s'y mettre des autres. La certitude d'être à sa place, l'oubli de soi, le même jean tous les jours, le fond de teint qui reste au fond de la valise, le vernis qui s'écaille mais on s'en fout, les bottes de pluie en guise d'escarpins, la mer chamallow et le ciel si bas. Les chagrins des petits, les doudous qu'on cherche sans jamais les trouver, les conflits qui se règlent à coup de croco haribos, les chansons douces fredonnées pour endormir les plus réfractaires au sommeil, les silences partagés parce qu'il n'y a plus de mots.
De belles vacances envers et contre tout, des souvenirs fabriqués, encore. Un pas devant l'autre, sur ce sentier des douaniers comme une leçon de vie, une invitation à continuer, pour eux, pour nous, pour lui.